C. Trautmann-Waller (Hrsg.): Ignac Goldziher

Title
Ignac Goldziher, un autre orientalisme?.


Editor(s)
Trautmann-Waller, Céline
Extent
Price
€ 35,50
Rezensiert für 'Connections' und H-Soz-Kult von:
Michel Espagne, Centre National de la Recherche Scientifique, Paris

L’histoire de l’orientalisme est d’abord une histoire de l’accumulation et de l’organisation des savoirs sur l’Orient et pour être plus précis encore, sur le Proche-Orient musulman. Mais c’est aussi l’histoire d’une curiosité, d’un regard, et à cet égard l’itinéraire intellectuel du spécialiste judéo-hongrois de la culture musulmane Ignac Goldziher tel qu’il est décrit dans les contributions rassemblées par Céline Trautmann-Waller s’avère tout à fait caractéristique. L’histoire de Goldziher, dont ce volume décrit précisément les papiers et la correspondance, est celle d’un savant universellement reconnu qui demeura dans la marginalité imposée par ses origines juives (Peter Haber). Il n’était pas en cela très différent de son maître Vambéry qui avait exploré l’Asie centrale déguisé en derviche ou d’Aurel Stein qui s’exila jeune (Denes Gazsi). Les orientalistes hongrois semblent tous avoir été dominés par la curiosité vis-à-vis d’un mystérieux espace originel de leur propre culture. Goldziher est un savant qui a entretenu des réseaux à travers l’Europe entière, même si certains lieux furent pour lui plus importants. Leyde par exemple a fortement contribué à sa formation, lui faisant découvrir les courants issus de Strauss et de Baur ou la figure tutélaire d’Abraham Geiger, père du judaïsme réformé (Willem Otterspeer). Mais Goldziher fut aussi en correspondance permanente avec Carl Heinrich Becker, spécialiste de l’Islam africain et figure de la politique culturelle allemande entre les deux guerres qui fut son disciple et entretint avec lui des relations d’amitié. (Dominique Bourel). Avec Renan convaincu d’une « supériorité de la race indo-européenne » les relations ne pouvaient être que distantes voire conflictuelles, Goldziher réfutant tout particulièrement l’hypothèse de Renan sur l’absence de mythes chez les sémites (Sabine Mangold). Mais le réseau de Goldziher s’étend aussi à la France où Louis Massignon désignait les Vorlesungen über den Islam comme « notre premier manuel d’islamologie » (Alain Messaoudi et François Angelier). Si Weber et Goldziher, partageant des représentations proches de l’ascétisme à une époque où il était courant de comparer les wahabites aux protestants, auraient pu se rencontrer, la rencontre n’a finalement pas eu lieu (Youcef Djedi). Goldziher est célèbre comme un des premiers occidentaux à avoir étudié à Al-Azhar mais son expérience est aussi revendiquée et utilisée par les religieux d’Al-Azhar (Nora Lafi). Le travail de Goldziher a porté sur bien des sujets mais notamment sur la question des saints Musulmans qu’il tendait à considérer comme des innovations illicites dues à la piété populaire, des hagiographies fantaisistes favorisées par l’absence de représentations imagées (Catherine Mayeur-Jaouen). Goldziher s’est intéressé aux relations entre islamisme et parsisme, à l’héritage de la Perse préislamique ou aux traditions zoroastriennes dans l’Islam. (Ludmila Hanisch). Au-delà des objets abordés il existe bien pour Céline Trautmann-Waller une « méthode Goldziher » : elle repose sur l’étude fiévreuse des sources, sur une lecture indirecte tenant compte des stratifications culturelle, sur une fécondation réciproque de de la philologie et de la psychologie herbartienne. C’est précisément cette question de la méthode qui permet d’inscrire Goldziher dans une histoire des sciences orientalistes d’Europe centrale où l’attention portée aux hadiths comme essence de la religion et comme corpus flexible s’articule avec la conviction que seuls les juifs libéraux peuvent comprendre son œuvre (Suzanne Marchand). Un tableau biographique, une bibliographie des œuvres de Goldziher et un index font de cet ouvrage un très utile instrument de travail. Mais c’est surtout parce qu’il est pleinement conscient d’être une contribution à l’histoire intellectuelle de l’Europe centrale à la fin du XIXe siècle, de ses attentes, de ses curiosités et de ses réseaux savants, que ce livre ouvre des aperçus nouveaux et décisifs sur l’histoire de l’orientalisme européen.

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Published on
02.03.2012
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Diese Rezension entstand im Rahmen des Fachforums 'Connections'. http://www.connections.clio-online.net/
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