C. Beauregard u.a.(Hgg.):Les médias et la guerre

Titel
Les médias et la guerre. De 1914 au World Trade Center


Herausgeber
Beauregard, Claude; Canuel, Alain; Coutard, Jérôme
Erschienen
Anzahl Seiten
258 S.
Preis
€ 31,95
Rezensiert für H-Soz-Kult von
Ruth-Stephanie Merz, Zentrum für Höhere Studien, Universität Leipzig

Le recueil de texte à présenter est consacré à l’analyse de la communication publique en temps de guerre et de conflit au XXe siècle. Les huits textes proposés ont été rédigés par un groupe de six auteurs canadiens, dont les éditeurs Claude Beauregard, Alain Canuel et Jérôme Coutard, spécialistes des médias et de leurs rapports avec la culture. Ces écrits mettent en exergue le rôle joué par la propagande et la censure dans l’information de la masse du public à travers les différents médias.

Jérôme Coutard entame le sujet avec deux premières analyses portant sur l’étude des caricatures parues dans les journaux canadiens. Ainsi, dans "Journalisme et moralisme au Québec durant la Première Guerre Mondiale, 1914 – 1918" (S. 17 – 49), l’auteur met à jour un discours moralisateur tenu par les caricaturistes, qui semblent beaucoup plus soucieux d’attirer le regard sur les tensions de la politique intérieure au Canada que de plaider directement contre la guerre. Par ailleurs, dans son deuxième texte intitulé "Propagande et nation dans la presse du Québec, 1914 – 1918" (S. 51 – 76), il démontre le processus par lequel deux discours de conscientisation très différents ont pu se développer à partir d’une même valeur culturelle : « l’engagement » de soldats canadiens sur le continent européen.

Alain Canuel, quant à lui, porte dans "La censure et la propagande à Radio-Canada pendant la Deuxième Guerre Mondiale" (S. 77 – 102) l’attention du lecteur sur la Société Radio Canada qui, curieusement, ne fut que rudimentairement intégrée dans les structures politiques au débuts des hostilités. Par voie de conséquence, elle n’a pas su devenir un outil de propagande pendant le déroulement de la guerre. Ceci est d’autant plus surprenant que l’Allemagne, elle, avait d’ores et déjà montré à la face du monde, et ceci dès 1933, le potentiel représenté par la radio en matière de propagande.

À ces trois premières analyses succède une sorte de vision générale de Claude Beauregard "L’image de la guerre au XXe siècle" (S. 103 – 154) servant d’introduction à trois textes complémentaires. Ces derniers reprennent un peu plus en profondeur certains aspects soulevés dans le texte introductif. Dans le but de souligner l’importance de l’image pour la compréhension du XXe siècle, l’auteur se lance dans une analyse de 'longue durée' des diverses représentations de quatre conflits internationaux, à savoir les deux Guerres Mondiales, la Première Guerre du Golfe et la Guerre du Kosovo, telles qu’elles parurent dans le journal canadien 'La Presse'.

La représentation iconographique des guerres-types du XXe siècle dans les organes de presse est caractérisée par la promotion de la guerre et le maintien du discours propagandiste. D’une manière générale, la présence autant que l’absence d’images peuvent influer sur l’interprétation de la compléxité des événements mondiaux. En effet, les photographies structurent, voire manipulent, notre pensée en offrant des explications parfois très simplifiées sur les origines des conflits. Ceci est illustré par le premier texte complémentaire "La couverture photographique du conflit du Kosovo en 1999" (S. 173 – 189) de Claude Beauregard et Catherine Saouter. Leur analyse porte sur les images publiées lors de la Guerre du Kosovo dans le quotidien canadien 'The National Post' et le quotidien français 'Le Monde'. Pour ce faire, ils ont développé une typologie de la représentation photographique de la guerre : les réfugiés tiennent la moitié du corpus, viennent ensuite les ruines, suivies de quelques soldats de l’OTAN, et pour finir, Milosevič, l’Ennemi.

A cet égard la Guerre du Vietnam, présentée de façon pertinente dans un encadré séparé, offre un contraste frappant avec les quatre autres conflits. En effet, les photos non censurées de cette guerre prêtent d’une manière troublante un visage individuel, presque une identité, au soldat stéréotypé, impersonnel et rassurant, qui nous fut livré dans les images précédentes. Cependant, l’auteur met en garde contre l’idée d’interpréter ce geste des photographes comme une contestation morale de la guerre. Cette initiative dénote plutôt une critique envers l’incapacité de l’armée américaine de mener la guerre brève, victorieuse et moralement légitime tant attendue par la masse du public.

Une tout autre approche nous est proposée par Alain Saulnier dans son essai journalistique "La guerre ou la propagande en direct" (S. 155 – 159) et par Chantale Quesney dans son texte "L’utilisation d’Internet dans la guerre au Kosovo" (S. 161 – 172). Tous deux méditent sur la vitesse croissante de la médiation de l’information. Ainsi, Alain Saulnier critique le manque de repères auquel le consommateur d’informations fait face, à travers la centralisation et la prédominance américaine dans la médiation de l’information. Chantale Quesney, quant à elle, a suivi durant toute une années l’utilisation de l’Internet pendant la Guerre du Kosovo, l’analysant sous les aspects de la liberté, de la solidarité et, bien entendu, de la guerre. L’efficacité et la vitesse de la toile offraient à tous les partis une multitude de possibilités d’affrontement jusqu’à susciter la première guerre cybernétique.

Mais la guerre du Kosovo constitue encore le sujet d’un autre article de Claude Beauregard et Jérôme Coutard. Effectivement, dans "Les communications et la guerre au Kosovo" (S. 191 – 231), ils analysent la relation de la dépendance entre les protagonistes de la guerre d’une part, et l’opinion publique d’autre part, et ceci à partir des stratégies d’information des deux partis adverses. Bien que ces stratégies aient été différentes au départ, elles ont mené progressivement à une guerre de l’information entre les camps ennemis. Les médias, considérés comme en étant les outils, furent condamnés à être combattus comme tels.

Le dernier article de Claude Beauregard ou "Les événements du 11 septembre 2001 et l’information – les deux premiers mois" (S. 233 – 258) souligne encore une fois la portée du traumatisme de la Guerre du Vietnam pour la conscience publique américaine. Ce traumatisme explique l’apparition d’un phénomène nouveau qui est l’auto-censure consentante de l’opinion publique face à l’élargissment considérable de la censure étatique.

Dans leurs divers exposés, les auteurs du présent recueil ont su démontrer d’une part, les continuités dans la fonction de l’information mais aussi son évolution et ses changements durant les conflits sur la scène du XXe siècle.

Un regard plus attentif discernera facilement que la censure et la propagande représentent autant aujourd’hui que par le passé, les piliers de l’information en temps de guerre. Bien qu’elles aient dû subir des adaptations certaines pour se conformer aux temps et aux sociétés modernes, elles ont toujours structuré la coopération entre le pouvoir et les médias. Notons au passage, et pour illustrer ce trait de continuité, que les médias ont déjà revêtu cette identité d’outils de guerre à l’époque de Gutenberg.

Néanmoins, le recours aux médias pour porter des préjudices directs à l’ennemi est un développement récent, imputable à la logique du progrès. Ce qui est beaucoup plus surprenant, c’est le changement qui s’est effectué au niveau de l’opinion publique. Elle semble dorénavant accepter la censure étatique de plus en plus consciemment, poussant même jusqu’à l’auto-censure. L’évaluation du degré de cette acceptation volontaire, ainsi que ses causes tant historiques que psychologiques, pourraient faire l’objet d’une autre étude.

Le mérite de ce livre réside dans le regroupement de textes de nature variée sur le problème de la 'communication' en temps de guerre. A travers leurs contributions respectives, les auteurs expriment leur engagement. Les textes sont bien structurés et pourvus d’une bibliographie et d’annotations pouvant servir de guide pour des recherches plus appronfondies. Par ailleurs, ces textes peuvent être lus séparément sans que l’on perde pour autant le fil conducteur de l’argumentation.

Il reste cependant une critique à émettre : la référence choisie est le Canada et la presse canadienne, notamment dans les premiers exposés. Mis à part le texte de Claude Beauregard et de Catherine Saouter "La couverture photographique du conflit du Kosovo en 1999", le recueil manque de textes partant d’une analyse comparative avec les médias dans d’autres régions, concernées ou non par les conflits. Les guerres du XXe et de ce jeune XXIe siècle ont été des conflits à l’échelle mondiale – leur analyse devrait par conséquent privilégier une perspective internationale ou transnationale.

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24.09.2004
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